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Estefania Bouchot et tous nos fantômes

Peux-tu commencer par nous présenter brièvement ton travail et tes sources d'inspiration ?


Mon travail reste assez intuitif. Je pars de mes émotions, de mes ressentis personnels, qui, à travers mes pièces, prennent une portée plus universelle. On y retrouve de thèmes comme l’enfance, la mémoire, le corps, l’angoisse, le désir, la nostalgie... mais aussi une forme de trouble identitaire, qui traverse l’expérience d’un corps étranger, déplacé, entre plusieurs mondes.

Je laisse souvent émerger des formes ambivalentes, où l’on peut sentir l’absence, comme un lieu habitable. Je crois qu’en approfondissant vraiment un sujet, on finit toujours par rencontrer des paradoxes, de l’absurde. Et c’est dans ces interstices, ces zones floues, que j’aime travailler.

J’aime m’amuser à tisser des liens entre des concepts qui, à première vue, semblent éloignés. J’essaie de créer des connexions, de construire des associations. Je trouve de la beauté dans l’ambiguïté. Je suis fasciné par le mystère constant qu’elle implique. Mes pièces portent en elles l’incertitude, mais aussi une ouverture vers le champ des possibles, un espace de liberté, où l’on peut se perdre dans l’ambivalence, célébrer les contradictions.


Qu'est-ce que l'artivisme pour toi ? En quoi es-tu une artiviste ?


Honnêtement, je ne me qualifie pas comme « artiviste ». Pour moi, « artivisme » implique une forme d’activisme, une action directe, souvent physique et radicale. Mon travail, en tant qu’artiste, se situe davantage dans la représentation que dans l’action.

Cela dit, je crois que toute vision du monde est politique. Dès qu’il y a des inégalités, nos choix, nos gestes, nos silences prennent une dimension politique. Être artiste est déjà un privilège. Avoir le temps, l’espace et les ressources pour créer, pour se poser ce genre de questions, est un luxe. Ce privilège parle d’un contexte social et politique, et peut ouvrir un espace de réflexion, d’où peuvent naître des échanges créatifs, voire de nouvelles formes artistiques de révolte.



Je crois que l’art peut interroger, ouvrir des dialogues, encourager d’autres façons de penser. Il permet de retisser le monde à partir d’idées, d’émotions, de formes, d’images, récits personnels, expériences collectives. La réflexion est le socle de toute forme de revendication.  Je ne me sens pas légitime à me qualifier d'artiviste, car mon travail ne cherche pas à revendiquer de façon directe ou militante. Il est davantage une invitation à la réflexion qu'un appel à l'action. 

Mon approche part d’un cadre particulier : celui d’une femme étrangère, marquée par le déplacement, l’ambivalence et une identité floue. Mon travail explore l’absence, le flottement, les marges, les constructions sociales, les désirs imposés. Il donne forme à des tensions et des contradictions qui m’habitent, mais qui résonnent aussi au-delà de ma propre expérience.


Pourquoi as-tu choisi la céramique comme moyen d’expression ? Que permet cette technique en particulier ?


La terre m’a offert une exploration de moi-même que je n’ai retrouvée avec aucun autre matériau. Elle m’a révélé des capacités insoupçonnées. J’ai encore beaucoup à apprendre, mais avec la céramique, je me sens prête à avancer sans fin. C’est une histoire d’amour où, tout en connaissant ses contraintes et ses limites, elle me confronte aussi aux miennes. Elle me permet d’être pleinement moi-même, et je me redécouvre sans cesse à travers elle.

La céramique m’offre un travail à la fois minutieux et brut, intense et délicat. C’est une pratique à la fois physique et cérébrale. Il faut rester dans le contrôle, mais aussi savoir quand il faut lâcher prise, quand il est trop tôt ou déjà trop tard pour intervenir. Elle m’enseigne la patience et l’acceptation.


Ta prochaine exposition chez Artivistas s’appelle « Habiter ses fantômes » ? De quels fantômes s’agit-il ? Est-ce que tes oeuvres nous aident à les confronter ?

Habiter ses fantômes est une tentative de penser ce qui nous échappe, ce qui persiste en creux. Les fantômes dont il est question ne sont pas ceux d’un passé figé, mais des présences mouvantes : des fragments de soi non résolus, des désirs inachevés, des figures intérieures laissées en suspens. Ce sont aussi les effets d’un corps perçu comme étranger, déplacé, qui porte en lui des écarts, entre ce qu’il est, ce qu’il montre, ce qu’on projette sur lui.



Je crois qu’on porte toutes et tous ces présences fantomatiques. Elles nous habitent, parfois silencieusement, parfois bruyamment. Les confronter, c’est déjà les reconnaître. À travers mes œuvres, je n’essaie pas de les exorciser, mais plutôt de leur faire une place, de les accueillir. Mes œuvres cherchent à matérialiser ces zones de flottement, à donner forme à l’ambigu, à l’absent, à l’absurde, à ce qui ne se dit pas mais se ressent. Il ne s’agit pas d’apporter des réponses, mais de créer un espace d’accueil pour ces figures instables, un lieu où elles peuvent exister, et peut-être, dialoguer avec celles d’autrui.

Habiter ses fantômes, c’est peut-être aussi habiter sa propre indétermination, et accepter l’impermanence comme un territoire de liberté. C’est apprendre à vivre avec ce qui nous échappe, avec douceur, humour et un certain amour du flou.


Quelles sont, par ailleurs, tes dernières actualités et projets à venir ?


J’ai envie de continuer à développer mon travail autour de cette thématique des fantômes, qui continue à me hanter. Mais je souhaite aller au-delà de mes propres spectres : me confronter aussi à ceux de mon arbre généalogique, puis à ceux des autres.

Je veux invoquer les fantômes sociaux qui nous habitent tous. Ceux que nous portons, parfois malgré nous, en tant qu’individus inscrits dans un contexte donné, façonnés par des structures de pouvoir, des attentes normatives, des récits dominants. Et ceux que la société elle-même produit et reproduit : des fantômes issus du patriarcat, du capitalisme, du néolibéralisme ; des systèmes qui laissent des traces, des absences, des blessures, mais aussi des silences que nous avons appris à ne plus interroger.

Je souhaite créer des pièces-effigies, objets ambigus, sacrés, hybrides. Avec lesquelles on puisse interagir de manière quasi rituelle ou magique. Ces œuvres pourraient s’intégrer dans des contextes spécifiques, ou même générer de nouveaux espaces, pensés pour accueillir ces fantômes-idoles, et ceux qui viendront dialoguer avec eux. Des abris pour nos contradictions, des formes pour rendre visible l’invisible. Et peut-être, en confrontant ces fantômes sociaux, une manière de se confronter à l’ordre établi lui-même. Car c’est là que peut s’ouvrir un espace de liberté plus profonde, où l’on pourrait enfin commencer à devenir ce que l’on souhaite être, vraiment.

 
 
 

2 commentaires


Pepko Akrapovik
Pepko Akrapovik
il y a 2 heures

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Carlos Gucci
Carlos Gucci
il y a 7 jours

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