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La SÉRIGRAPHIE : autour de l'exposition « RECYCLAGE INSULAIRE »

Par Oriane Cassia

 

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Comme l’indique son préfixe « sericum » (latin) et son suffixe « graphien » (grec), la sérigraphie est une technique d’impression d’estampe qui allie « soie » et « dessin » ou « écriture ».


Tel que l’explique Céline Chicha, conservatrice au département des estampes et de la photographie à la Bibliothèque Nationale de France, dans La sérigraphie, entre estampe et multiple, « la sérigraphie est une technique dérivée du pochoir : elle consiste à réaliser une impression à travers un écran de soie dont certaines parties ont été au préalable obturées. L’encre, étalée à travers l’écran au moyen d’une raclette, se dépose sur le support à travers les parties de l’écran laissées vierges. »[1] 


Majoritairement utilisé pour la création d’affiches, le procédé de la sérigraphie est inventé en Asie au Moyen-Âge, dans un premier temps pratiqué en Chine puis après quelques siècles au Japon, notamment avec la prolifération des estampes japonaises. Elle se propage en Europe, en particulier en France et en Angleterre, entre la fin du XIXème et le XXème siècles. 


La sérigraphie prend des formes variées et son utilisation, ainsi que sa visée, évoluent à travers les décennies, les mouvements artistiques et les pays. En effet, d'abord utilisée à des fins simplement picturales, comme par le peintre Pierre Soulages, la sérigraphie tisse aussi des liens avec d’autres formes d’art, tel que le théâtre, notamment par des artistes tel que Alfons Mucha, lors de certaines de ses créations d’affiches théâtrales. De plus, durant la seconde moitié du XXème siècle, les artistes contemporains mettent au point cette technique, qui se différencie des autres types d’affiches et d’estampes par son support en soie et son procédé. Ils s’en servent pour plusieurs de leurs mouvements artistiques, dont le Pop art. Un exemple phare d’artiste contemporain sérigraphe est Andy Warhol, qui influencera ensuite en 1962 Robert Rauschenberg pour sa série de silkscreening paintings. Au-delà de l’aspect purement artistique, ce processus a souvent été utilisé pour créer des affiches lors de mouvements de dénonciations politiques, comme en France lors de la révolution étudiante de Mai 68, ainsi qu’en Amérique latine quelques années avant.



Cette technique particulière d’impression s’est diffusée dans le monde au cours du XXème siècle, notamment en Amérique. Elle touche aussi dans les pays latins, en particulier Cuba, où sa forme première est visuellement liée à l’affichisme tchèque. A Cuba, en lien avec le contexte politique de la moitié du XXème siècle, l’affichisme, et notamment la sérigraphie, deviennent des outils politiques et révolutionnaires très forts, utilisés par le peuple. Les artistes latino-américains s’expriment de plusieurs façons, notamment dans la rue : à travers des affiches et particulièrement des sérigraphies, des collages, du vandalisme artistique, des tags et graffitis, etc. Par conséquent, le lien entre l’affiche cubaine et le street art est très fort, lié d’autant plus par une volonté politique.


Imagine de Arístides Esteban Hernández Guerrero ( Ares ) Sérigraphie 70x50 cm 
Imagine de Arístides Esteban Hernández Guerrero ( Ares ) Sérigraphie 70x50 cm 


L’Amérique latine connaît de nombreux épisodes de guerres, crises et révolutions. A Cuba, notamment dès les années 1950, les grandes personnalités telles que Fidel Castro et le Che de Guevara deviennent des symboles idéologiques pour le peuple qui conteste le pouvoir. De plus, ils deviennent des modèles picturaux, sources d’inspirations visuelles pour les artistes engagés. 

 


Sergio Diaz Amaral dans son atelier
Sergio Diaz Amaral dans son atelier

Couleurs, chiffres, phrases, portraits, réalité ou imaginaire, … chaque artiste développe son style dans l’ambition commune de dénonciation et par le biais artistique de l’affiche. A ce moment-là, en Amérique latine, la sérigraphie se développe et devient le processus privilégié pour la création d’affiches en lien avec les enjeux politiques du moment.

Selon Guy Gauthier dans son article L’affiche à Cuba : « Les moyens de reproduction dont disposent les révolutionnaires sont généralement rudimentaires. Ces affiches cubaines sont presque toutes exécutées en sérigraphie et tirées en nombre limité. La technique de production détermine évidemment un style ».[2]

 

Comme l’ont utilisé et compris les artistes latino-américains, une affiche sérigraphiée est un outil d’expression, qui permet d’allier art, savoir-faire, culture, messages et idéologies. C’est une forme d’art qui sort des cadres confinés d’une galerie ou d’un musée et s’expose directement dans la rue, rendant visible son message quotidiennement dans des lieux, comme la rue, les murs, les panneaux, etc, qui ne sont pas forcément des lieux artistiques ou proprement politiques. 


 

La sérigraphie en Amérique Latine et notamment à Cuba persiste dans les années 1960, ainsi qu’après cette période révolutionnaire. Cette tradition de l’affichisme continue à se développer au-delà de ce contexte et de cette époque par les générations suivantes et notamment par les artistes tel l’Havanais, Sergio Díaz Amaral, qui crée au début du XXIème siècle son atelier pour diffuser l’enseignement du processus de la sérigraphie et de l’affiche. Plusieurs œuvres de cet atelier sont exposées à la galerie Artivistas, du 5 au 28 septembre 2025.

La technique de la sérigraphie, bien qu’ayant atteint une sorte d'âge d’or lors de la seconde moitié du XXème siècle, en particulier en Amérique latine, est toujours d’actualité et pratiquée de nos jours. Outre l'exposition de septembre 2025 à la galerie parisienne Artivistas, la Bibliothèque nationale de France a aussi dédié en 2024 un temps à cette technique lors de l’exposition consacrée à l’imprimeur Éric Seydoux. De plus, de nombreux ouvrages sur cette technique d’affiche sont publiés, tels que le livre de l’artiste Dugus, Politique de l’image, ainsi que le catalogue de l’exposition Giro gráfico. Como en el muro la hiedra, du Musée national de Madrid, Reina Sofia.

 



[1] CHICHA, Céline, « La sérigraphie, entre estampe et multiple : l’exemple des éditions Denise René ». In: L’estampe un art multiple à la portée de tous ?, édité par Sophie Raux, Nicolas Surlapierre, et Dominique Tonneau-Ryckelynck. Villeneuve d’Ascq: Presses universitaires du Septentrion, 2008, p. 135-142,  [en ligne], https://doi.org/10.4000/books.septentrion.112023, consulté le 23/07/2025.

[2] GAUTHIER, Guy, « L'affiche à Cuba ». In: Communication et langages, n°9, 1971. pp. 42-54, [en ligne], https://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1971_num_9_1_3852, consulté le 23/07/2025.

 
 
 

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