Matias Tripodi, au croisement des disciplines
- Artivistas
- 24 mars
- 3 min de lecture

Peux-tu partager avec nous, en quelques mots, l’essence de ton travail artistique?
Je m’intéresse à la danse comme langage, aux possibilités expressives de l’art et aux enjeux créatifs qui nous permettent de nous relier aux autres et à nous-mêmes. Dans ce contexte, le tango est l’une de mes sources d’inspiration principales, sinon la cause même de ces intérêts. Quand je parle de tango je ne pense pas à celui de la scène, du spectacle, sinon à celui des bals de Buenos Aires, un peu oublié, un peu marginal, dépositaire d’un savoir faire souvent peu connu.
Qu’est ce que l’artivisme pour toi? En quoi es-tu un artiviste?
Si je dois chercher une définition du mot “artiviste”, je dirais que c’est la combinaison de l’art et de l’action incarnés dans des sujets qui, de manière consciente, produisent activement des espaces qui développent simultanément des interactions sociales, la création d’expériences esthétiques et la transmission de savoirs. Je peux me définir comme artiviste dans la mesure où mon travail s’intéresse au concept du bal et à une danse soucieuse des formes de construction des rapports interpersonnels. Je me sens artiviste aussi quand je questionne, d’une manière critique et réflexive, des processus créatifs. Je suis convaincu que certaines expériences artistiques nous permettent de médiatiser nos interprétations au monde et développer ainsi des nouveaux schémas d’action, plus équilibrés et harmonieux. Mon travail s’organise dans ce sens, sans oublier une dimension de jeu et d’imaginaire très libres.

Tu es danseur, chorégraphe, musicien, écrivain, dessinateur … pourquoi cette multiplication des disciplines? Comment arrives-tu à les faire cohabiter ? Qu’est ce que cela apporte à ton art?
Je dirais que cette multiplication de disciplines n’est pas un acte voulu sinon la conséquence d’une démarche. Cette multiplicité n’est pas quelque chose que j’ai cherchée en elle-même sinon la conséquence d’une préoccupation autour de certains questionnements. Certains thèmes, certaines réflexions, sont au centre et c’est en essayant de les approcher que je vais aller vers l’une ou l’autre des disciplines, utiliser une technique ou une autre. Quelque part je cherche à développer un seul et même fil conducteur, qui se transforme étape par étape. Une seule et même dramaturgie guide ainsi un processus qui pense le tango, le rapport à l'autre, les possibilités du langage. Cela se manifeste dans un champ ou un autre de l’expérience, découvrant ainsi des continuités et des possibilités inattendues.
Vulgarisation et internationalisation, croisement avec la danse contemporaine, tango queer… quelles sont à tes yeux les nouvelles tendances du tango? Dans lesquelles ta pratique s’inscrit-elle?
C’est toujours difficile de parler du tango en général, car chaque communauté de tango développe des interprétations et des formes de pratique différentes. Mais, en regardant l’histoire un peu schématiquement, nous pouvons dire que, au XXIème siècle — en Argentine et en dehors de l’Argentine — une sorte d’effervescence de création et de ré-découverte du tango prennent place. Cela ouvre des manières diverses d’aborder la pratique et parfois cela nous mène aussi à la reconstruction de formes oubliées. Dans ce contexte, j'essaie de combiner une envie de ré-élaboration du tango, de ré-interprétation mais aussi de recherche et de curiosité sincère pour une histoire parfois négligée. Mon engagement est celui de créer des espaces de grande liberté sans que cela empêche une recherche approfondie, rigoureuse et originale, de ce que cette culture a pu tisser, non sans tensions, au long de son histoire. Je suis toujours fasciné par comment le tango, celui un peu méconnu des bals, malgré diverses difficultés propres à son contexte historique, a pu créer les conditions de possibilité d’une pensée alternative et différente que j’essaie de réinterpréter à ma manière et à partir de lectures spécifiques.

Quelles sont tes dernières actualités et projets à venir ? On sait que tu participes au lancement de l’école Artivistas pour continuer à développer la programmation de cours et de milongas par exemple !
En ce moment je finis un nouveau livre sur le tango et, en même temps, je prépare de nouveaux projets chorégraphiques. Et oui, en parallèle, je travaille activement pour une programmation riche en propositions autour du tango (des cours, des bals, des rencontres) dans le cadre de l’école d’Artivistas. Ce dernier projet me remplit de joie car je trouve qu’un projet comme celle-ci, au croisement des disciplines et impliquant des artistes généreux, est définitivement très pertinent dans notre temps.
Quel message voudrais-tu partager avec notre communauté?
L’excellence, l’expérimentation, la générosité, la sincérité, la recherche méthodique, le sens de l’accueil, la bienveillance et le jeu sont toutes des valeurs qui peuvent s' articuler parfaitement. Travailler dans ce sens m’inspire profondément et je suis sûr que cela peut être un moteur d’action très riche pour une multiplicité de formes et de rencontres.
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