Pourriez-vous commencer par nous présenter brièvement votre travail et vos sources d'inspiration ?

Bonjour ! bien sûr ! Mon travail oscille entre l'illustration numérique, la peinture et la broderie, et le tout mélangé. La source d'inspiration a toujours été une question qui m'a généré beaucoup d’interrogations, parce que je pense que je m'attendais à avoir une réponse plus poétique ou grandiose. Mais avec le temps, j'ai réalisé que ce qui m'inspire le plus, c'est le quotidien. J'aime vraiment observer les situations courantes de la vie quotidienne, les vêtements, les affiches, les positions des gens lorsqu'ils font les choses normales de la vie. Et pour revenir à l'idée du poétique, je pourrais dire que ce qui m'inspire, c'est la beauté du quotidien. J'aime raconter des histoires à travers mes dessins, les remplir de détails qui racontent un peu qui est cette personne, les faire ressembler presque à une photo, où il y a des éléments qui s'échappent de la composition, jouer avec l'humour, le naïf et, parfois, ajouter un peu d'ironie.
Qu'est-ce que l'artivisme pour vous ? Vous définissez-vous comme une artiviste ? Pourquoi ?
Pour moi, l'artivisme signifie que notre art exprime notre position politique sur la vie. Je pense que je suis une artiviste subtile, par mon travail je m'intéresse à des questions sociales, au féminisme, à l'identité, au collectif. Mais mon approche n'est pas trop évidente ou audacieuse (ou du moins pas tout le temps), elle est plutôt liée à la subtilité de montrer une réalité qui n'est pas toujours acceptée. Mon but est de toujours refléter dans mon travail la diversité des corps, des ethnies, des orientations sexuelles, etc. Dans cette volonté de montrer le quotidien, je pense qu'il est très important de chercher activement à intégrer la diversité comme la plus belle chose que nous ayons, même si la société tente parfois de la cacher. Et je pense que rendre visible ce qui est souvent rendu invisible, à partir d'une expression joyeuse et aimante, est ma façon de faire de l'artivisme.
Votre histoire est celle d'une reconversion réussie, qu'est-ce qui vous a aidé à franchir le pas ?

Je pense que c'était un mélange de choses. D'une part, un désir profond de me consacrer à quelque chose qui me rendait vraiment heureuse et que je sentais dans moi, l’illustration. D'autre part, une grande quête de liberté, quelque chose qu'un travail de bureau ne m'offrait pas. Je pense que le facteur le plus important (et le plus déterminant) a été le fait de déménager en France et de ne pas avoir -à ce moment-là- de visa, ce qui m'aurait permis de travailler, car j'aurais probablement trouvé un emploi de bureau par nécessité. Cette impossibilité m'a poussée à me lancer dans la création et, bien sûr, il y a eu beaucoup de travail, d'essais et d'erreurs, de moments de doute et de pleurs (beaucoup de pleurs), mais la clé a été de m'entourer de personnes qui croyaient en mon travail, qui m'ont encouragée. Le fait d'avoir ce réseau de soutien et de miser sur ce que j'aime, a fait que tout cela en valait la peine.
Parlez-nous un peu de Bordatutti, de ce qui se passe dans ces ateliers, quand les avez-vous lancés et pourquoi ?
Bordatutti est né timidement un mois avant le début de la pandémie, mais il a été interrompu et je l'ai repris pour devenir ce qu'il est aujourd'hui seulement en 2021. C'est un espace de broderie libre et collectif, un lieu où tout le monde peut s'exprimer avec des fils et des aiguilles, sans besoin d'expérience préalable et où la connaissance technique n'est pas le plus important. Je l'ai conçu comme un refuge créatif, où la broderie devient un moyen de se connecter avec soi-même et avec d'autres personnes qui parlent notre langage. Lors des réunions, nous brodons, nous bavardons, nous partageons nos expériences. C'est un espace qui se nourrit du groupe et qui se transforme en fonction des participants. Je l'ai lancé parce que j'avais envie de partager ce que la broderie m'avait apporté : la patience, l'écoute et la reconnection avec cet enfant créatif que j'avais longtemps oublié.
Quels sont vos prochains projets ? Il y a une exposition à venir à Artivistas, n'est-ce pas ?

Je travaille actuellement sur plusieurs projets d'illustration numérique pour différentes parties du monde, je viens de sortir un livre, Guide du 10ème arrondissement, que j'ai entièrement illustré. Je travaille également dur pour être présente avec mes impressions en Argentine et dans d'autres parties de l'Amérique latine.
Et oui ! J'ai une exposition à venir avec Artivistas, ce qui me rend anxieuse et heureuse à la fois. Il s'agira de ma première exposition solo avec des œuvres originales, ce qui représente un grand défi personnel et je sens que le sujet que je vais traiter va toucher beaucoup de gens.
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